Un art de vivre pour surmonter les violences

Depuis deux mois, c’est le chaos qui s’installe. Les soldats du M23 occupent le terrain, mais ils n’ont pas les moyens humains et logistiques pour organiser la vie sociale et civile. Parfois les Wazalendo – entendez le groupe armé des patriotes congolais – cherchent à vouloir déloger le M23, c’est la menace de la contre-attaque. La peur panique s’empare alors de la population qui se calfeutre tant bien que mal dans leurs maisons, toujours choquée par le bain de sang à Goma et ses milliers de morts. Les banques sont actuellement fermées et le prix des denrées a pris l’ascenseur.

Et pourtant, il faut chercher à vivre, jour après jour. Curé de la paroisse de Kavumu, l’abbé Paul Bulyalugo livre son témoignage : « Nous avons développé un nouveau mode de vie pour traverser ce moment très difficile : dialoguer avec la nature. C’est-à-dire que nous plantons beaucoup d’arbres et aménageons deux jardins. La communauté sacerdotale de Kavumu a été présente dans quatre sites pour toucher et sentir la terre. Nous avons été à Mushungurrhi où nous avons reboisé plus de six hectares. Les jeunes étaient impressionnés par notre engagement personnel dans cette activité vitale. »

Poser chaque jour un geste qui prend soin de la vie, c’est le moyen qu’a choisi la communauté des prêtres de Kavumu pour faire face au chaos et s’ouvrir à la joie. Planter un arbre, c’est croire en l’avenir. Se réunir pour planter des arbres, c’est prendre soin de la planète : poser un geste fort en faveur de l’humanité, sans discrimination et sans calculs d’intérêts. Planter un arbre chaque jour, c’est se décaler de l’angoisse pesante et de l’insécurité permanente pour déloger de soi la violence subie en engageant résolument ses forces dans la promotion de la vie.

Lors d’un examen de catéchèse, alors que l’abbé Daniel posait à un jeune homme la question de savoir quelle était la première mission qu’un prêtre accomplit particulièrement le dimanche, voici la réponse qu’il a obtenue : « Planter les arbres à Mushungurrhi! » La paroisse va bientôt lancer une formation « catéchèse et écologie ». Il s’agit de demander aux jeunes d’amener à la paroisse les graines de fruits (mangues, avocats, prunes,…) de faire des pépinières, pour distribuer ensuite les plantules à ces mêmes jeunes qui les planteront chez eux. « Par ces petits gestes, témoigne l’abbé Paul, nous promettons la vie à nos filles. » Les enfants orphelins du foyer Ushirika, juste à côté de la cure de Kavumu, sont eux aussi intégrés dans cette catéchèse où le prendre soin de la nature devient un art thérapeutique pour émerger des violences.